Chez Léon : une légende de la restauration bruxelloise depuis six générations.

S’il est un restaurant de légende à Bruxelles, dont le cœur bat à l’unisson avec celui de la capitale de l’Europe et qui existe depuis la fin du 19ème siècle… c’est bien chez Léon ! Ouh là… je vous entends déjà : « c’est un truc à touristes », « une usine à moules », « ce n’est pas là que vous allez manger gastro ». Ah ça… je confirme, ce n’est pas du gastro, mais c’est vraiment bon et très gai ! J’avoue y être allé avec les même idées préconçues, véhiculées par des gens qui répètent à l’envi les bêtises qu’ils entendent, sans même se souvenir où ni de qui. J’étais donc prêt à affronter un resto touristique, de cuisine de masse et sans grande qualité. Pourtant, ce fut tout le contraire et la soirée m’a aussi rendu des souvenirs d’enfance délicieux, m’a fait découvrir une vraie brasserie, profondément liée à sa ville. J’y ai non seulement très bien dîné, mais y ai aussi passé une soirée entre rires, étonnement, conversations animées, rencontres catalanes et accent bruxellois ! Une soirée que vous devez absolument vous offrir, pour (re)découvrir le royaume des Moules-Frites et des croquettes aux crevettes grises…

Une maison du 19ème, mais une entreprise du 21ème siècle, respectueuse de ses racines.

En fin d’année, Bruxelles se pare de guirlandes lumineuses et décorations, ce qui rend les ruelles avoisinant la Grand-Place encore plus belles que d’habitude. Et quand on arrive devant le restaurant au soir d’une manifestation de 45.000 catalans, ils sont transformés en touristes et les touristes… vont Chez Léon ! C’est sans doute de ce succès auprès des étrangers visitant la capitale, qu’est venue cette très imméritée réputation de « restaurant à touristes ». Si on peut affirmer que les maisons de ce genre sont nombreuses dans le quartier de l’Îlot Sacré, le plus populaire (dans le sens noble du terme) ne peut aucun cas y être assimilé, je l’écris haut et fort. Certes, les chiffres sont impressionnants, les quantités monstrueuses, nous y reviendrons… mais pas au prix de la fraîcheur des produits ni de la qualité de la cuisine. Il faut rendre justice à Chez Léon : tout y est frais et cuisiné maison, dans le plus strict respect de recettes parfois centenaires. J’ai pu parler longuement avec Kevin Vanlancker, jeune « héritier » de la maison et sixième génération de cette dynastie de restaurateurs… quelle découverte ! Trente ans, un physique de jeune premier et une tête non seulement bien faite, mais solidement vissée sur les épaules. Reprendre un flambeau aussi symbolique dans sa ville que l’enseigne Chez Léon, ce n’est pas rien et une immense responsabilité pèse sur les épaules du jeune homme. Il tient à respecter les codes de la maison, les valeurs de la famille et de l’enseigne, tout en y amenant la touche de modernité qui sera un jour la trace qu’il y aura laissée (par exemple, la création d’une bière, dont nous vous parlons par ailleurs). S’il espère qu’un jour ses enfants prendront à leur tour sa suite, il ne les obligera pas à suivre sa voie et ils seront libres de choisir la leur, même si elle ne trempe pas dans la restauration. Il est sur tous les fronts : gestion, commandes, service, personnel… et toujours dans le respect de celui qui est face à lui, qu’il s’agisse d’un touriste chinois, membre d’un groupe de 200 (c’était le cas ce soir-là et je vous assure que c’est long à la sortie…) d’un journaliste, d’un membre de son personnel ou de quelqu’un qui lui demande où sont les toilettes. Toujours un sourire, le mot patient et juste, alors qu’un samedi très chargé… il lui est arrivé de parcourir pas moins de 36 kilomètres, dont une moitié dans des escaliers ! J’ai eu l’occasion de parler aussi avec un serveur qui n’était Chez Léon que depuis une semaine, après quelques années passées dans des restaurants du quartier. Pour la première fois, il se sentait respecté et travaillant dans de bonnes conditions. Si une maison respecte son personnel, elle ne peut que faire de même avec ses clients. Et c’est bien ce que je m’apprêtais à découvrir en passant à table…

Ce n’est pas gastro, mais que c’est bon !

Bien entendu, je n’allais pas commencer par autre chose que des croquettes de crevettes grises (13,95 €) … on est de Bruxelles ou on ne l’est pas ! Et attention, non seulement j’aime ça, mais je sais les préparer et serai donc intransigeant. On a toujours peur de se retrouver face à deux misérables « boudins » panés à outrance et dégoulinant d’un intérieur quasi liquide, où se battent dix crevettes, parfois grises. Si l’assiette n’a en effet ici rien de gastronomique dans sa présentation, ce qui y est servi est digne d’une cuisine de grand-mère brusselesse (féminin de brusseleïr, habitant de Bruxelles et fier de l’être – NDLR) ! C’est ferme, parfaitement chaud, croustillant, l’appareil se tient parfaitement bien et le moins qu’on puisse dire est qu’on a de la crevette… bel et bien grise. La quantité n’est pas chiche, malgré les prix du marché qui poussent certains restaurateurs à en diminuer la quantité ou à augmenter leurs prix. Le persil frit est évidemment généreux et le quartier de citron ne manque pas à l’appel. Dieu sait qu’il est indispensable à l’équilibre des saveurs de cette entrée typiquement belge, qu’on trouve principalement et traditionnellement à la carte des tables bruxelloises ou de la côte. Mes idées préconçues ont pris une méchante claque et mon amour de la cuisine une voluptueuse caresse… c’est top ! Pour accompagner le dîner, j’ai choisi un Chablis Domaine Laroche – Saint Martin 2016 (54,50 €), le luxe d’un petit plaisir bourguignon.

Miguel, de son côté a choisi les moules gratinées à l’ail (17,75 €). Évidemment, en portugais qui se respecte, il s’attendait à les trouver préparées à la manière qu’il connaît le mieux : recouvertes d’une bonne couche de chapelure. Mais ici, juste de très bonnes moules, du bon beurre, du persil et de l’ail « et pis c’est tout » ! J’ai évidemment goûté et c’était délicieux. Les moules goûteuses et iodées à la chair tendre, le persil présent mais sans tout envahir y compris la bouche et l’ail ne jouait pas les arlésiennes. À éviter toutefois, si vous prévoyez de finir la soirée en distribuant des bisous à tout le monde, car vous risquez d’être assez repoussé. La quantité est généreuse pour une entrée (une vingtaine de moules) et le beurre fondu aussi… alors on sauce et on redemande du pain. Ce n’est pas très diététique, mais si bon. Bref, encore un bon point.

En aucun cas je ne pouvais commander autre chose que des moules ! Chez Léon est quand même réputé pour ça et aussi loin que je me souvienne, elles y ont toujours été délicieuses, même si je n’étais plus venu depuis une vingtaine d’années… Mais, étant donné que les mauvaises langues s’en sont donné à cœur joie depuis, je voulais vérifier par moi-même. Eh bien comme pour le reste, je n’ai été que parfaitement heureux de ce qu’on m’a servi. Quand on prend des moules à la crème à l’ail (25,85 €), c’est qu’on attend quelque chose de goûteux, généreux et surtout velouté. Ben oui… cette fois on ne sauce plus, on y va carrément à la cuiller ! 800 grammes de belles moules de Zélande, charnues et marines, servies dans une casserole traditionnelle, en quantité parfaite, surtout quand on a pris une entrée. On les mange avec les doigts, utilisant une coquille vide pour pincer les autres… c’est tellement plus savoureux comme ça ! La sauce est parfaite, crémeuse à souhait, aillée mais pas tueuse, c’est tout ce que j’espérais. Cela mérite un 9,9/10, juste parce qu’en théorie la perfection n’existe pas. Les frites sont impeccables aussi, évidemment maison et cuites deux fois, pour obtenir cette belle couleur dorée et une frite croustillante… fondante à cœur. Ce plat est copieux et irréprochable.

Miguel, pour faire bonne mesure et prendre autre chose que des moules afin que nous puissions vous parler aussi viande, a choisi l’entrecôte à 22,55 €. Encore de l’ail et du persil… C’est la seule petite fausse note de la soirée : le serveur a proposé une sauce du jour, mais sans nous prévenir que c’était pour le coup encore de l’ail et du persil. Mais, cela n’a pas provoqué la plus petite humeur sombre et la viande était comme Miguel l’avait demandée, bleue et chaude. Nous nous sommes d’ailleurs dit que dans un restaurant de 500 couverts avec plein d’escaliers partout, c’était une vraie prouesse. Étonnant et notable… mais ce n’était pas la première fois de la soirée que nous étions agréablement surpris. Un peu de verdure, une tomate rôtie aux herbes et des frites, accompagnaient bien agréablement cette belle pièce de viande.

Coté dessert, nous nous sommes contentés de partager une copieuse crêpe « Léon » flambée à 9,95 €. Un classique bien réalisé et parfumé. Quelques quartiers de mandarine et une boule de glace vanille de qualité… un dessert sans qui ne prétend rien révolutionner, mais juste faire plaisir au convive qui a déjà fort bien dîné.

Une maison ancienne dans un quartier magique et historique, un personnel très attentionné malgré le nombre de couverts, sont autant d’atouts. Un dîner sans faute, des produits de grande fraîcheur et le respect de recettes traditionnelles… Je ne sais pas si on peut dire qu’on est ici dans une « brasserie », car c’est tout simplement unique et finalement inclassable. C’est juste Chez Léon. Pour vous amuser, voici quelques chiffres qui impressionnent et prouvent qu’on peut allier quantité et qualité. Notre notation finale tient compte aussi la magie unique de cette vénérable maison plus que centenaire, qui ne cesse d’être jeune à sa manière. Ah oui… Chez Léon n’a plus rien à voir avec les restaurants « Léon de Bruxelles » à l’étranger. La famille Vanlancker a décidé d’en revenir aux sources historiques de leurs racines et de se recentrer sur l’endroit dont ils ont fait une légende urbaine, depuis six générations !

Chez Léon, c’est donc aussi : 350 kilos de moules par jour (entre 10 et 12 tonnes par mois) – 350 croquettes de crevettes quotidiennes – 300 kilos de frites par jour – environ 1.300 couverts quotidiens (le record est de 2.600 à l’occasion d’un tapis de fleurs sur la Grand-Place) – 420 places assises (c’est gratuit pour les enfants toute l’année et les moules sont à volonté tous les dimanches soir) – environ 15/20 km par jour, parcourus par les serveurs (25 à 30 durant les grosses journées) – une équipe de 100 personnes et une bière originale signée Léon, qu’on peut à présent déguster au restaurant.

Notation : 4 Marcus
(1 = moyen – 2 = correct – 3 = Table de qualité – 4 = table de grande qualité – 5 = Table d’exception).

Site officiel : www.chezleon.be

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