Le Chef Christophe Pauly accueille chacun de ses clients comme un ami qu’il recevrait chez lui. On le sent heureux et fier de la rénovation de sa salle, rendue plus contemporaine par l’absence de nappe mais toujours classe, avec de belles serviettes blanches à ronds d’argent. On se sent instantanément bien, à vrai dire dès l’arrivée car la maison est superbe, habillée de pierres du pays. Le soir, c’est magnifique et j’imagine qu’en été ce doit l’être aussi, bien que différent. Les lumières qui éclairent la façade sont bien étudiées et reflètent ce qu’on attend d’un étoilé au premier regard : l’élégance ! Le personnel est habillé avec classe et simplicité, est aux petits soins sans être trop présent, la sublime cuisine ouverte, avec en fond une magistrale fresque « street art » … et la brigade de cuisine est donc composée d’artistes qui travaillent au pied d’une œuvre d’un autre artiste. Mais le Chef d’orchestre, le Maestro, est attentif à chaque détail, jette un œil sur tout ce qui arrive au passe-plats et ne laisse rien sortir si quoi que ce soit ne lui convient pas. On sent une équipe également fière et heureuse de travailler avec le Chef, qui a fédéré toute son équipe autour de lui et… quand le personnel est heureux d’être là, le client l’est fatalement aussi. Je vous invite donc à découvrir ce superbe dîner, où j’étais invité pour mon anniversaire par mon ami Michaël Menten, parmi les meilleurs journalistes du JT de la chaîne privée RTL TVI.
Après avoir dégusté une coupe de bulles belges, les mises en bouche donnent le ton… le dîner sera superbe, c’est certain. Une jolie tartelette potagère accompagnée de piquillos… Je suis un peu surpris que ce soit froid, mais le croustillant est bien là et l’assaisonnement est équilibré et très frais, légèrement relevé. Il y a aussi un sublime cromesquis de foie gras et gel de rhubarbe, qui fond dans la bouche en une explosion de saveurs et de textures, c’est solide et liquide, léger comme un nuage. La fine panure dorée apporte le croquant, c’est simple et parfait : voilà sans aucun doute le meilleur mariage entre le foie gras et un autre élément que j’aie dégusté de ma vie. Un vrai bonbon ! Et je n’écris pas ceci pour faire plaisir, vous me connaissez assez pour savoir que mes coups de cœur viennent du… cœur. Suit une brochette d’un magnifique cochon de Berkshire (la race est originaire du sud-ouest du Royaume-Uni et en voie de disparition. Des éleveurs passionnés ont décidé de la protéger et d’en perpétuer l’élevage), ici la Ferme de Tabreux à Hamoir. La chair est tendre, juteuse et quasi rosée à cœur et quand vous tombez sur le gras, c’est l’extase sur vos papilles… la cuisson est parfaite ! Cette viande d’exception est accompagnée d’une savoureuse création maison : une mayonnaise miso, onctueuse et parfumée, un morceau de velours sur le palais.
Enfin, une superbe revisite : « le meilleur de l’escargot » … sans la moindre petite trace du gastéropode. Le Chef joue sur les textures et les assaisonnements subtils autour d’une généreuse mouillette, dorée et croustillante à souhait. C’est un croquant-fondant de pain légèrement brioché, accompagné d’un peu d’ail et d’un jus de persil. L’assiette en bois apporte à cette recette une authenticité visuelle autant que gustative. Cela ressemble finalement bien à l’identité culinaire que je ressens chez Christophe Pauly. C’est simple et sophistiqué à la fois, cela va droit à l’essentiel tout en conservant l’élégance qu’on attend à une table de ce niveau. C’est très pensé et instinctif aussi, conçu avec précision, très équilibré et on a réellement l’impression de manger un escargot de Bourgogne. Il n’y a plus aucun doute, voilà le genre de petites inventions qui vous étoilent un Chef… Ce n’est plus du trompe-l’œil, mais bien un véritable trompe-papilles !
En première entrée, nous avons eu un magnifique Thon de Méditerranée (assez rare en restaurant… le vrai), accompagné d’avocat fumé, tomates, ponzu et d’un beau bouillon de dashi. Que dire ? La franche saveur boisée de l’avocat fumé attaque en première bouche et c’est un peu comme si vous atterrissiez dans une forêt ardennaise… De plus, je ne comprendrai jamais comment certains arrivent à choisir un parfait avocat à maturité. La chair du thon de Méditerranée est ferme et fondante à la fois et sa mâche est franche comme celle d’une viande. Un pur bonheur ! Il y a des fines algues, quelques lamelles de poivron et quelques pointes de mayonnaise miso. Le bouillon dashi (bouillon clair japonais, composé de divers éléments séchés, puis infusés dans de l’eau. C’est une base de la cuisine japonaise et elle entre dans la composition de la soupe miso, des soupes de nouilles et de nombreuses préparations mijotées. On dit qu’elle apporte l’Umami – la saveur idéale)… le bouillon donc, apporte une parfait équilibre à cette assiette surprenante, se situant quelque part entre les Ardennes, la Méditerranée et le Japon. On ose ici utiliser le sel pour ce qu’il est : un exhausteur de gout. L’équilibre est dans ces détais-là aussi… La vaisselle et chaque élément de la table sont raffinés et de bon goût, sans chichis.
Deuxième entrée : Soupe de cèpes, noisettes fraîches, mousseline de parmesan et truffe d’automne… Au centre, une for belle Langoustine du Guilvinec à la cuisson impeccable. C’est toute une saison réunie en une assiette exceptionnelle. Le célèbre fromage italien, souvent un peu acide, se marie à merveille avec la saveur de sous-bois qui se dégage de ce beau champignon, si recherché et que je cueillais en forêt lorsque j’habitais le superbe sud-ouest de la France. L’onctuosité incroyable de la mousseline de parmesan est digne de la légèreté d’un nuage voulant rejoindre le paradis, tandis que le croquant des noisettes lui, se prend d’amour pour la subtile saveur fruitée de la truffe d’automne. Encore un véritable coup de cœur et personnellement, je décernerais à cette entrée une seconde étoile, sans l’ombre d’une hésitation. Tout est à nouveau parfaitement équilibré et les mélanges de saveurs emmènent vos papilles au septième ciel. C’est une de mes très (très) belles entrées de l’année !
Pour continuer ce somptueux dîner, en route donc vers les délicieuses Noix de Saint-Jacques de Dieppe. Elles sont deux et préparées avec des girolles et coquillages, le tout arrosé d’une onctueuse sauce au vin jaune. Les deux magnifiques noix sont évidemment cuites à la perfection, joliment nacrées à cœur et elles fondent en bouche, littéralement. Les petites pointes de légumes qui l’accompagnent sont croquantes comme il convient, les coquillages apportent une salinité et une petit goût iodé qui vient offrir un soutien marqué aux Saint-Jacques. La sauce au vin jaune, onctueuse et légère à la fois, amène à l’ensemble un superbe équilibre grâce à la légère sucrosité du vin jaune, que j’ai pu goûter en abondance au cœur du Jura il y a deux ou trois ans. Les girolles sont bien présentes en saveur et l’assiette est construite à coups de pinceaux précis et efficaces. Le jus de coque vient se mélanger allègrement à la sauce et cela donne, comme tout le reste de l’assiette, un mariage harmonieux et un mélange de textures subtil et intelligent. Le tout est d’une légèreté époustouflante et l’assiette est d’une beauté esthétique sans faille. C’est un vrai bijou, qui mériterait lui aussi 2 étoiles, sincèrement !
Comme la saison du gibier a commencé et que tout le monde n’apprécie pas les viandes dites « fortes » ou « faisandées », on nous propose ici un chevreuil d’Ardennes ou de Gaume (disponibilités dépendant bien sûr de l’arrivage). La belle pièce de viande est cuite rosée, ce qui me convient tout-à-fait, et d’une tendreté incroyable… le couteau aurait pu rester dans son tiroir. Au centre de l’assiette, une salade de chou-rouge « sucre-sel » entourée de jolis dômes aigre-doux de pommes et sur le côté, des pommes Dauphine dont l’appareil est parfait, tout comme son léger croustillant, l’ensemble se laissant croquer avec délice. Le mélange pommes et chou-rouge est harmonieux et totalement régressif… ça m’a fait oublier que je mangeais une cousine de la maman de Bambi. Le vrai talent des grands Chefs réside dans le fait qu’ils arrivent à faire ressurgir en vous et jusque dans votre cœur, des émotions remontant parfois loin dans l’enfance. On peut dire sans l’ombre d’une hésitation, que Christophe Pauly est de ceux-là !
Passons donc à l’ « assiette de fromage »… Un beau bloc de bois est posé sur la table, au sommet duquel trône un simple morceau de Mont d’or, dans toute sa simplicité et sa douce saveur, toujours soyeuse, ainsi qu’une belle tranche de pain aux noix fait maison. À côté de cela… on pose devant nous un bol de bois, dans lequel un siphon a déposé une préparation en mousseline tiède de ce très délicat fromage. C’est mousseux et fondant comme une barbe à papa, sous laquelle se cacheraient des morilles conservées, dont la saveur plus corsée vient donner à l’ensemble un réel parfum de sous-bois. Quelques cerneaux de noix hachés apportent une touche de croquant très agréable. La préparation étant tiède, il est conseillé de commencer par celle-ci, pour finir par le fromage nature… C’est une ultime découverte et une énième preuve du talent incontestable du Chef Pauly, qui devrait (je l’espère) bientôt se voir doté d’un second macaron.
Et pour clôturer ce dîner plein de surprises et de trouvailles, on effectue tout de même une petite balade au pays magique des douceurs… Nous commençons par une superbe assiette autour de la Poire de Comice (variété créée à Anger au 19ème siècle et cinquième la plus consommée au monde). Elle se compose d’un chaud-froid, de poire caramélisée, de glace maison à l’amande, de frangipane et d’une émulsion amande et rhum brun.
Nous savourons aussi un trio sucré d’une grande délicatesse : une préparation à base de fromage frais, une glace à la violette (j’adore ça) et une fort élégante tartelette au pochage délicat. Ces desserts, dont aucun ne tombe dans l’excès de sucre et qui sont, à l’image du dîner, d’une grande élégance et d’une fine subtilité.
En conclusion, c’est ce que je retiendrai de cette découverte étoilée quasi liégeoise : l’élégance, la simplicité dans la complexité, une grande intelligence dans les mariages de saveurs, les jeux de textures… une grande technique et surtout beaucoup d’instinct. À mon très humble avis, il y a trop longtemps que Christophe Pauly a une étoile au plastron… il lui en faudrait vite une seconde ! Côté clients il est déjà bien servi… alors, n’oubliez pas de réserver et… bon appétit !
Je vous conseille vivement de suivre les conseils accords mets/vins…
Nous avons été servis avec autant de gentillesse que d’élégance par : Simon et Marine (Salle), Pauline (Sommelière).
Le Coq aux champs (1 étoile Michelin – 17,5/20 Gault et Millau)
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