Il y a des maisons dont on se souvient tant pour le lieu que pour la qualité de la table et c’est très clairement le cas de ce fort bel établissement, gourmand, étonnant voire impressionnant : aux Caves d’Alex on est même un peu dans le mystère, tant la porte d’entrée vous surprend et vous plonge dans un univers « à la Poudlard », comme les incroyables registres qu’on y croise, trônant tels des grimoires dignes du bureau de Dumbledore ou les briques omniprésentes qui rappellent un château… Hors du temps car vous êtes dans des caves, vous dégusterez une cuisine gastronomique dans le décor somptueux d’une véritable ancienne cave de négociant en vins, au pied d’impressionnants foudres en chêne dont il ne subsiste que peu d’exemplaires en Belgique. C’est ce décor rare qui abrita la célèbre maison Mouchart et il fut ensuite transformé en restaurant, simplement et logiquement baptisé « Les Foudres ». Mais en 2019, le talentueux chef Alexandre Cardoso et son associé Hugues De Cuyper ont lancé les splendides Caves d’Alex, devenues une des incontournables belles tables bruxelloises. Nous avons adoré, tant le décor que la cuisine…
Dès que vous arrivez devant la façade, vous vous sentez projetés dans le passé et c’est une sensation très agréable… Le couloir vous plonge dans un certain mystère et, quand vous découvrez qu’il faut descendre un petit escalier sur la gauche d’une cour donnant sur un autre établissement, plus festif, vous vous retrouvez face aux cuisines vitrées, ce qui vous met directement en confiance. Vous cherchez la porte d’entrée car il semblerait incongru de pousser celle des cuisines, où travaille l’équipe sous la direction attentive et active du Chef Alexandre Cardoso. Même prévenu(e), l’effet de la surprise est garanti…
À l’intérieur, vous êtes accueillis avec chaleur et gentillesse et pénétrez dans une salle à la fois chic et surprenante. Beau nappage blanc, mobilier moderne et sièges confortable, bar design… on se sent bien et on a hâte de passer à table. Quelques bulles de champagne pour se pencher sur la carte et se faire conseiller avec compétence et connaissance parfaite de la carte. On se laisse aller à l’ambiance magique que créent les voûtes en briques, les tuyaux post-industriels et surtout les incroyables foudres en chêne, qui trônent en géants silencieux, protégés par une immense baie vitrée, prouvant toute leur valeur historique.
En amuse-bouche, nous découvrons deux petits bijoux joliment mis en scène, grâce à une vaisselle élégante et recherchée. Le Croustillant à la Rillette de Saumon Fumé « chante » sous la dent comme un croissant parisien ou une fine pâtisserie marocaine, et l’appareil et aussi onctueux qu’il laisse une légère mâche, agréable à la dégustation. Les croquettes de crevettes grises, condimentées d’un confit de citron acidulé et parfaitement équilibré, ont la forme de petites pépites.
Elles sont riches en saveur du crustacé gris et on en retrouve dans la farce, qui se tient manifestement sans gélifiant. C’est tout belgement délicieux et démontre la parfaite maîtrise par le Chef de ses classiques. Le persil frit, bien dégraissé, apporte ce subtil petit croustillant qui fait d’une croquette de crevettes… une vraie croquette de chez nous. Mises en bouche : un bon point ! Question vins, Nadine et moi nous laisserons guider, tout au long du dîner par le sommelier, qui sait parfaitement de quoi il parle et maîtrise à la perfection l’accord de ses flacons avec la cuisine du Chef Alexandre Cardoso… On sent un dialogue régulier et une véritable compréhension entre la cave et le piano, ce qui ne court pas les salles de restaurants.
En entrée, le choix Nadine se porte vite sur un savoureux et rafraichissant Carpaccio de Saint-Jacques sur une Mousse de Céleri-rave Truffé, garnie d’une fine brunoise de bacon et de jeunes pousses. La mousse est la belle idée de cette entrée qui montre que le Chef ne domine pas que ses classiques, mais qu’il a aussi une belle maîtrise des mariages de saveurs. Le mélange du céleri rave et de la truffe est subtil et ces deux éléments légèrement terreux se marient à merveille, lorsqu’ils viennent vous tapisser le palais. Le belle Saint-Jacques fraîche est finement tranchée, sans ressembler à de la feuille de papier à cigarette, et son fin goût iodé épouse avec élégance le céleri rave. Les petits grattons de bacon viennent amener une sensation régressive à cette très belle entrée et un croustillant bienvenu. C’est une réussite !
Grand fan, j’ai choisi pour ma part le Foie Gras cuit au torchon, sur un consommé de volaille gélifié. Autant j’adore le foie gras (de canard), surtout quand la délicate cuisson au torchon est aussi bien maîtrisée, autant je dois bien admettre que je ne suis vraiment pas fou des garnitures qu’on lui adjoint en général : confits, confitures, oignons, figues, toasts briochés… Pour moi, un foie gras, c’est du… foie gras, un bon pain frais, un tour de moulin à poivre noir (si nécessaire) et une pointe de fleur de sel… et puis, c’est tout ! Eh bien, ce consommé de volaille gélifié assumait parfaitement sa présence et ses saveurs étaient franches et bien reconnaissables. La concentration des goûts venait soutenir la belle puissance du foie gras, ce qui donnait un mélange riche et équilibré. La gélification était aussi impeccable qu’agréable en bouche, ce qui mérite d’être souligné. J’avoue que j’ai été bluffé. Je me suis abstenu de la brioche au profit du pain, mais je l’ai goûtée. Elle était légère et peu sucrée, impeccable pour les amateurs. Encore deux très bons points pour les entrées…
Pour les plats principaux, du côté de Nadine il n’y a eu aucune hésitation et elle a jeté son dévolu sur la très belle Sole à l’Ostendaise, sauce au vin blanc, moules et crevettes grises. Le poisson est présenté entier à table et les filets sont levés avec délicatesse devant vous, servis avec précision et placés sur votre assiette avec soin. La cuisson est parfaite, la chair est nacrée à la perfection et se détache en feuilles fondantes. La sauce, assaisonnée avec équilibre, révèle l’acidité très légèrement amère d’un vin blanc à l’alcool bien évaporé. Elle est crémeuse, presque veloutée, nappe la chair du poisson et la purée est aussi lisse que savoureuse. Je note la générosité en moules et crevettes grises, pour le plus grand plaisir de mon amie. Quelques branches de jeunes épinards tombées apportent une jolie note végétale à une assiette de haute tenue. C’est classique et savoureusement efficace.
Pour ma part, je me suis laissé tenter par le Ris de Veau poêlé, béarnaise de homard, légumes et frites à la graisse de bœuf (un bon bruxellois ne pourrait imaginer une autre manière de les cuire, mais les client étrangers adorent cette découverte, qui emmène la frite vers des contrées gustatives méconnues pour eux. Elles sont délicieuses et crousti-fondantes, comme on les aime)… Les légumes braisés, dont un chicon qui m’a régalé, sont cuits d’une manière que j’apprécie, c’est-à-dire encore légèrement fermes.
La sauce béarnaise de homard est ma grande découverte du jour ! Moins acide qu’une béarnaise traditionnelle, on en retrouve néanmoins les grands marqueurs. Mais, le réel « plus » est cette forte saveur de homard, concentrée et puissante. C’est un parfait terre & mer tel que je les adore, confrontant deux beaux produits, unis dans une recette harmonieuse. La force de caractère du beau et généreux ris de veau, croustillant, bien doré sur l’extérieur et moelleux à cœur, se confronte à merveille avec la concentration du homard. La sauce pourrait presque se faire voile, lorsqu’elle enveloppe la chair de la mariée… c’est une union parfaite et je ne vois pas des ris de veau aussi copieux et réussis à tous les coins de salles. Voilà encore un très bon point !
Pour finir ce dîner, qui tutoyait vraiment l’exceptionnel tout en se fondant sur de solides bases traditionnelles, Nadine a choisi une belle crème brûlée à la croute blonde-rousse parfaitement craquante, dans tous les sens du terme. De mon côté, j’ai opté pour un café gourmand impeccable, donc je retiens les cannelés, qui m’ont rappelé avec nostalgie mes années bordelaises
Ce dîner avait tout d’un temps suspendu, le service était impeccable sans être guindé, le personnel chaleureux tout en demeurant très réservé et on ressentait le travail d’une équipe heureuse d’être là et de concourir, chacun à sa tâche, au beau moment que vous passez dans un lieu d’exception, dont le Chef mérite largement un macaron qui ne saurait tarder… si un certain guide à la couleur coquelicot connaît encore un petit quelque chose en matière de gastronomie… ce qui n’est pas toujours évident, nous sommes nombreux à nous le demander. J’aimerais néanmoins qu’une récompense vienne couronner le très beau travail d’ensemble de cette superbe Maison, dans tous les sens du terme. Une adresse à découvrir, tant pour un important déjeuner d’affaires que pour un dîner en amoureux, qui pourrait se clôturer par une demande qu’on ne peut faire à la carte… Je le déclare sans ambages, les Caves d’Alex valent largement le détour !
Infos pratiques :
Site officiel: www.lescavesdalex.be
Email : info@lescavesdalex.be
Adresse : Rue Eugène Cattoir 14 – 1050 Bruxelles
Téléphone : +32 (0) 2 540 89 37