J’en parlais avec un des deux frères à la tête de la maison… on est très (très) loin ici de l’Athénien, qui a hanté la chaussée de Louvain durant des décennies. Loin aussi des frises bleues et blanches, des bibelots faussement antiques de trop nombreux restaurants grecs. Dès qu’on entre dans l’ancienne Maison d’Attila, on se sent bien ! Décoration sobre et chaleureuse, tons reposants et vaisselle élégante, on est à mille lieues des clichés helléniques et j’en fus bien heureux. Pour moi, pas de doute : si la déco et la gentillesse de l’accueil sont un fidèle reflet de la qualité que je trouverai dans mon assiette, je vais passer une sacrée soirée ! Pour n’avoir pas eu la chance de visiter assez de petits villages lors de mes deux séjours en Grèce, je n’ai pas eu non plus celle de tomber amoureux de sa gastronomie. Me voilà totalement réconcilié avec elle…
M’installant à une table parfaitement distanciée de sa voisine, j’ai un pincement au cœur en pensant à mes amis restaurateurs du centre-ville, qui n’ont pas la chance de voir leur clientèle revenir en masse depuis la relance de l’Horeca. Il serait instructif pour lui, que le Bourgmestre de Bruxelles visite quelques communes de l’agglomération bruxelloise, pour s’en inspirer. Même ici à Uccle, on n’a pas de travaux interminables, de sens interdits qui font tourner en rond ni de piétonnier assassinant les établissements environnants. Monsieur Philippe Close pourrait ainsi se rendre compte de la différence de fréquentation entre le centre historique de notre capitale, sans les touristes étrangers il est vrai, et certaines communes résidentielles qui font tout pour qu’on s’y rende aisément… Ensuite il pourrait agir, peut-être. Mais revenons à nos moutons, et surtout au cochon de lait dont je vous reparlerai avec enthousiasme.
Jusqu’à la pâte des calamars frits, tout est frais et fait maison… et il y a une vraie convivialité en salle.
Malgré les masques, on ne devine que des sourires et chacun au service semble adorer vous raconter ce que vous allez déguster une fois la commande passée. Si Laurent et moi sommes arrivés sous la pluie, cela ne nous a pas le moins de monde empêché de nous sentir bien avant même d’être à table. Le décor est chaleureux et invite à s’installer confortablement pour examiner la carte, qui au premier coup d’œil m’a semblé trop diverse pour être honnête… je changerai d’avis dès l’arrivée des entrées, pour mon plus grand plaisir. J’oubliais que les mets grecs sont souvent déclinés en nombreuses versions. Par exemple, rien que la célèbre Féta (fromage au lait de brebis ou de chèvre, caillé en saumure et qui est un trésor des traditions grecques) est déclinée ici en sept recettes. Il en est de même pour les scampis, calamars ou gambas… ce qui explique déjà une partie non négligeable de la carte. Me voilà rassuré. On trouve aussi quelques plats pour enfants et de quoi satisfaire les végétariens. Dans une étagère trônent de nombreux flacons parés de simples étiquettes portant des noms de régions. Ce sont des Ouzos (boisson traditionnelle alcoolisée à base d’anis, qui doit être fabriquée en Grèce pour pouvoir porter cette appellation). On vous racontera avec passion les propriétés, les arômes et la puissance de chacun. Tout au long de votre repas, n’hésitez pas à demander des explications, en salle on connaît aussi bien chaque détail des recettes qu’en cuisine et surtout, on est ravi de vous les raconter. La Grèce bat ici au cœur de chacun et vous n’avez qu’une envie : la découvrir ! Passons donc à la commande… et préparez vos papilles.
Les Mezedakias : des entrées à partager… une ronde de saveurs qui claquent !
Évidemment, en apéro un ouzo s’impose et comme entrée, nous avons demandé à Vassili, un des deux frères propriétaires, de nous guider. Devant notre envie de découvertes gustatives, il n’a pas hésité à nous conseiller des « mezedakias » ? Nous connaissons tous les mezzés… et bien, il s’agit de mini mezzés à partager, entre 9 et 12 €. Nous avons littéralement craqué et même mon sportif d’invité a tout apprécié et s’est trouvé rassasié en fin de repas ! Une première assiette nous propose un étonnant et très… rose tzatziki (sauce-condiment à base de yaourt de brebis, concombre, coriandre, menthe et ail). Ici, la rondeur et le côté légèrement terreux de la betterave rouge vient relever un accompagnement digne des superbes scampis grillés, roulés dans des cheveux d’ange croustillants. C’est un délice ! Il y a aussi le traditionnel caviar d’aubergine et j’avoue que je ne suis pas fan de ce légume. Pourtant, j’ai adoré celui-ci et il m’a réconcilié avec cette recette que je trouve généralement assez insipide. C’est parfumé, soyeux en bouche et subtilement parfumé. Il n’y a pas trop d’huile (cette remarque vaut pour tout le repas et cela m’a enchanté) et l’olive noire apporte une légère touche d’amertume. Au premier coup d’œil, j’ai remarqué que les calamars frits étaient faits maison… à l’irrégularité de la pâte qui dénonçait, pour mon plus grand bonheur, une main de chef. La chair, ferme sans être caoutchouteuse, ne demandait rien d’autre qu’un léger trait de citron… Parfait. J’ai aussi adoré les petites croquettes (style nems, en pâte filo) farcies de tendres dés de poulets parfumés, soutenus par une mousse de fromage aérienne. C’était délicieux. Et enfin, j’ai vécu une grande première sous le regard souriant de Dimitri (dont le service était parfait et chaleureux) : j’ai mangé une friture d’éperlans ! Jamais je n’avais voulu avaler ces très petits poissons, qu’on dévore entiers et frits sur de nombreuses côtes de la méditerranée. De la tête à la queue, on avale tout et c’est ce qui m’avait toujours rebuté. Face à la bonne humeur de Dimitri et sous ses encouragements rieurs, je me suis laissé convaincre et j’ai trouvé ça vraiment savoureux. Quel temps perdu… Laurent lui, n’a pas perdu le sien car il adore ça. Ces entrées à savourer en partage sont vraiment la meilleure manière de découvrir la gastronomie grecque. À essayer absolument, surtout au prix très démocratique de ces starters savoureux et copieux…
Un cochon de lait rôti à la broche… fondant et croustillant à la fois.
Oh, ça va hein… Je vous entends d’ici me dire que manger du cochon de lait, c’est monstrueux, cruel, etc… Finalement, ça ne l’est pas davantage que de préparer de l’agneau de lait à Pâques ou d’aimer le caviar. Alors, j’assume… oui, j’aime ça. Et celui-ci était particulièrement réussi. La peau craquait sous la dent et les épices explosaient en saveurs et parfums. Mon nez a sans doute dégusté autant que mes papilles et c’est un des grands plaisirs de ce genre de plats familial, rustique et délicieux ! Je ne sais pas comment le grillardin réussit une cuisson à ce point impeccable, mais la chair fondait littéralement en bouche et j’aurais pu le manger à la cuiller. Une réussite parfaite, qui m’a ramené à des souvenirs de vacances d’enfance dans le sud de la France… Alors, faites comme moi avec les éperlans et osez passer au-dessus de vos idées préconçues, en essayant. Je suis certain que cela entrera au panthéon de votre palais… (22,50 €). Cette petite merveille est accompagnée d’un gratin dauphinois et surtout d’un jus de cuisson réduit, épais et soyeux à souhait, qui vient enrober la viande de douceur et de soie. Une petite salade vous rafraîchit la bouche et l’ensemble est un bonheur, croyez-moi ! Laurent, ayant déjà fait une entorse à son alimentation sportive aux entrées, a préféré la légèreté d’une sole simplement meunière, accompagnée de pommes de terre rissolées et d’une salade composée. La cuisson du poisson était impeccable et l’assaisonnement juste et équilibré. Un classique (26,90 €) pour un sportif professionnel… qui avait surtout envie d’accrocher un petit dessert à son palmarès. Notre repas était arrosé d’un agréable rosé sec Calliga à 25 €.
Un dessert à tomber, si vous aimez les pâtisseries orientales…
Cette merveille de dessert portait le joli nom d’Ekmek Kadaïfi (8 €) et composait une vraie symphonie de douceur pour un final sucré ! Pourtant, ce n’était pas lourd du tout et j’ai bien cru que mes papilles allaient en tomber en pâmoison… biscuit mouillé au sirop, crème pâtissière et crème fraîche fouettée assez ferme, le tout surmonté d’une plantureuse couche de cheveux d’ange croustillants, parsemée d’éclats d’amandes. Je vous le dis : c’est une tuerie, si vous n’avez pas peur de quelques calories. Comme d’habitude, j’ai voulu clôturer mon dîner avec un bon Irish Coffee, mais ici il a une identité bien grecque et le whisky est remplacé par du Metaxa (boisson obtenue à partir d’eau de vie de vin, de muscat, de pétales de roses et d’herbes aromatiques). Surmontée d’une très belle crème de lait, c’était une nouvelle expérience, mais j’ai beaucoup aimé (10 €).
En conclusion, dans cette belle maison, on ne vient pas chercher la gastronomie. On s’y attable pour trouver de la chaleur, du sourire et plein de saveurs. La cuisine y est entièrement maison et on sent qu’elle est faite avec amour. On y trouve aussi une réelle fierté d’être grec et de partager saveurs et souvenirs du pays. La convivialité y est reine et vous aurez envie d’y revenir, c’est certain. Pour ma part, j’y ai bien mieux mangé qu’en Grèce… mais cela m’a convaincu de retourner dans ce superbe pays sous le vent, pour y découvrir cette fois plein de petites tables de villages. J’espère surtout y retrouver les accents de sincérité rencontrés aux Enfants du Pirée II.
Site officiel : www.piree.be
Page Facebook : www.facebook.com/enfants.dupiree