Comme à chaque fois que je suis chez Mustafa Duran (dit Mus), je savais jeudi que mes papilles passeraient une fantastique soirée. Je voulais surtout que mon invitée, infatigable soldat de l’armée blanche des soignants, vive aussi de passionnantes découvertes gustatives. Je désirais qu’elle prenne un moment de détente et de plaisir, un instant de réel repos, après des mois d’un épuisant combat. Si je l’avais pu, j’aurais invité chaque soignant du pays à nous rejoindre tant je suis admiratif de ce que ces milliers de guerriers ont pu faire depuis le début de la pandémie de Covid 19. Je ne pouvais rêver de plus parfait endroit pour que Nadine passe une soirée formidable. Le sourire de Mus, son don inné pour permettre à ses clients de se sentir bien, pour marier les saveurs et les produits d’exception, pour accorder les vins avec les mets qu’il propose… Ici c’est lui qui fait la carte et il vous emmène faire un savoureux voyage qui change au jour le jour. C’est lui aussi qui vous invite à découvrir les nectars qui sublimeront les superbes assiettes mises en scène par le talentueux Chef Khaled Bouhamidi…
Je vais, le plus simplement possible, vous ramener sur la Place de la Vieille Halle au Blé en ce début d’été 2020, pour vous conseiller sincèrement d’y découvrir la formidable Table de Mus. Outre l’accueil velours du Maître des lieux, vous aurez l’occasion de découvrir le travail d’exception du Chef Khaled Bouhamidi et la gentillesse du service des jeunes Emre et Fiston. Voici donc quelques exemples de ce qui vous y attend.
L’avantage d’avoir choisi la forme des chroniques est que je suis libre de faire part de mes opinions en toute franchise, de mes préférences aussi et de ne pas m’en sentir moins bon journaliste pour autant… (RDLRÀUI – Réponse De la Rédaction À Un Internaute). Je vous ai déjà parlé de la Table de Mus et je tenterai de ne pas être trop long cette fois. Vous pouvez vous replonger dans d’anciens mots que j’ai consacré à ce super restaurateur, que je considère aussi comme un gars bien et attachant, en revoyant l’ancienne vidéo ci-dessous.
Une mise en bouche triple et subtile.
Ça a l’air de rien, un joli morceau de maatje (on le dit prêt à manger, ce hareng jeune n’a pas encore frayé et il est donc vierge d’œufs ou de laitance, bien gras, tendre en bouche. On célèbre son arrivée début juin). Ici, il prend une autre dimension, simplement accompagné d’un peu de citron, d’une lamelle d’oignon rouge et de fins haricots princesse jeunes, encore légèrement croquants sous la dent. La confrontation du fondant iodé du poisson, de l’acidité du citron et de la force tranquille de l’oignon doux avec le croquant du légume, provoque une explosion de saveurs. Pour calmer le jeu, je choisis la petite pâtisserie salée… une galette de purée de pois chiches, relevée à l’huile de truffe. Un vrai nuage qui se désagrège sur le palais. je finis cette mise-en-bouche qui tient davantage de la mise en forme de mes papilles, par une savoureuse et surtout rafraîchissante vichyssoise de petits pois et oignons croquants, un vrai instant de bonheur dans la touffeur de cette soirée en ville. Mon cerveau peut carrément en imaginer la version chaude, ce qui provoque en moi un instant de réelle schizophrénie gustative… Le craquant des oignons frits apporte un épatant petit air coquin à l’ensemble.
Une première entrée aussi belle que savoureuse.
Pour entamer les choses sérieuses, Mus choisit de nous proposer un carpaccio de saumon et lotte en feuille de nori, accompagné de caviar et de quelques fleurs et feuille fines. Je me demandais si le nori (algue japonaise séchée qu’on retrouve en feuille autour des makis, par exemple) ne se révèlerait pas un peu trop envahissante face à la douceur du saumon et de la lotte… C’était bien sûr sans compter sur la subtilité du chef… les fines tranches du poisson blanc sont finement enrobées d’algue et l’équilibre est parfait. Une crème aigre aérienne apporte le petit coup de peps qui vient réveiller les sens. Une huile citronnée impeccablement dosée et une savoureuse vinaigrette à la mangue viennent souligner tout ça d’une grande finesse. C’est ce que j’appelle une belle entrée !
J’ai un énorme coup de cœur pour la seconde entrée : un inoubliable samoussa au foie gras !
Alors là… je dois dire que si Nadine est tombée en amour (clin d’œil à mes amis de Montréal) avec le carpaccio de saumon et lotte, j’ai pour ma part un énorme coup de cœur pour le trésor qui nous est servi ensuite. Je ne suis pas près d’oublier cet incroyable samoussa au foie gras, (très) généreusement parsemé de truffe d’été et disposé sur des asperges. Non seulement c’est mon légume préféré, mais la cuisson est également celle qui a toute mes faveurs : à cru ! Pour un Chef comme Khaled Bouhamidi, c’est simple comme bonjour de la réussir, mais il m’a fallu quelques essais (il y a longtemps) avant d’y arriver à tous les coups. L’asperge, toujours ferme sous la dent, sert parfaitement de support au bijou qu’est ce samoussa parfaitement croustillant, qui renferme un foie gras parfaitement cuit et fondant comme un sucre d’orge. Une cuisson à l’aveugle impeccable… Mus parsème l’ensemble d’une très généreuse râpée de truffe d’été. Bien sûr, elle est moins puissante en arômes que la menalosporum (truffe noire), mais cette subtilité permet justement de profiter au maximum de la douceur du foie gras. La légère vinaigrette aux truffes apporte le petit renfort de rondeur qui fait de cette entrée un joyau. Je prends une bouchée rassemblant l’ensemble… une tuerie qui entre illico au Panthéon de mes papilles ! La vaisselle dans laquelle on vous sert un repas est importante et je tiens à souligner la beauté de chaque assiette de ce dîner… je vous raconterai un jour l’histoire de la relation entre Mus et ces splendeurs, fabriquées en Belgique.
Second coup de cœur… pour un souffle fleuri.
Ah là, là… Comme lors de chaque dîner à la Table de Mus, je ne suis pas au bout de mes surprises. Mais, comment en serais-je étonné ? En troisième entrée, voilà qu’arrive une assiette superbe : fleur de courgette à la farce fine de poisson aux herbes soufflée, pendant la cuisson et servie avec des morilles, un coulis de chou-fleur, couronnée d’une belle cuiller de caviar osciètre iranien. Que dire ? La farce soufflée est littéralement aérienne et il y a fort à parier que le baiser d’une fée soit aussi léger ! Les jeunes courgettes, dont l’une est évidemment attachée à sa fleur farcie, sont encore légèrement croquantes, mais que ceux qui pensent que cela signifie « dures » se rassurent… c’est l’extérieur qui offre une résistance, tandis que le cœur est tendre. Séparément, on retrouve parfaitement la force du poisson dans la farce, mais celle-ci exhale tous ses parfums et saveurs quand vous croquez une bouchée avec le caviar, qui explose d’arômes et de puissance. Les Morilles apportent le côté terreux et forestier qui fait de cette superbe entrée un terre-et-mer de haute volée, qu’un soyeux coulis de chou-fleur vient souligner, comme pour donner un ultime coup de main au côté « terre » …
En plat principal un turbot très nature, à la cuisson parfaite.
En grosse pièce, Mus décide de poursuivre sur le poisson. Un superbe turbot sauvage cuit doucement au beurre moussant, une mousseline de patates douces très légère et des gnocchis frais maison. Pour sauces, une étonnante et puissante réduction de bière d’Orval et un simple beurre blanc. Mariage de raison ? Non… juste un parfait équilibrage de puissances, qui soutiennent un plat très nature, parfaitement exécuté. La cuisson du poisson est irréprochable : chair nacrée, qui se détache en pétales d’un simple regard. Pour ce genre de dîner à cinq services, c’est exactement ce qu’il faut afin d’être prêt à apprécier un bon dessert.
Une forêt noire pas si noire…
Pour conclure, on nous sert une jolie réinterprétation de la très classique Forêt Noire, rebaptisée pour l’occasion « Forêt Blanche » par Mus. Toutes les saveurs du dessert classique sont bien présentes dans cette nouvelle version : une mousse très légère au kirch, la cerise confite, un chocolat craquant en texture et un sorbet aux griottes, puissant et goûteux. En bref… une vraie réinterprétation, sans trahison. Comme contenant, une jolie demi-sphère de chocolat blanc fait totalement l’affaire. Voilà un dessert qui sort un peu des sentiers battus, sans pour autant prendre les chemins de chèvres… La légèreté et les saveurs étaient au rendez-vous, comme pour l’ensemble de ce dîner, à nouveau enchanteur et qui s’est clôturé sur des mignardises parfaites et un impeccable Irish Coffee…
Finalement, il n’est pas difficile de vous embarquer en quelques mots et images, lorsque le voyage est conçu par un capitaine comme Mustafa Duran. À bord de sa belle Table, vous serez toujours soigné aux petits oignons, le service vous ravira par sa gentillesse autant que sa discrétion et vos papilles seront d’aussi bonne humeur que vous en fin de repas. Il propose une cuisine élégante, basée sur de très solides maîtrises classiques, qui permettent justement de s’en donner à cœur-joie en matière de créativité. On n’est jamais déçu, la carte change tous les jours puisque c’est l’humeur de Mus et le marché qui en décident et vous serez parfaitement conseillé en matière d’accord mets-vins… À ce propos, notre repas fut accompagné d’une sélection by Mus : champagne brut Ruinart, Château La Grave Expression 2018, Chardonnay-Vionier sicilien Trementi, Sirahvissante Louis Cheze 2017 et Poiret signé Éric Bordelet. Marier cuisine et nectars est un des réels dons de Mus… Attention, la reprise n’a pas boudé cette table d’exception dont la gastronomie ramène un peu de sourire en ville et c’est complet deux semaines à l’avance. La réservation est donc indispensable…
Site officiel : www.latabledemus.be
Page Facebook : https://www.facebook.com/pages/La-table-De-mus/318482438721899
Réservations : +32 (0)2 511 05 86