Pas de faux-fuyant : depuis que le Chef Didier Moons est au piano, la musique retentit de manière bien plus enthousiasmante dans ce restaurant pour lequel Marianne, ma convive du soir, avait déjà eu un coup de cœur dû à la gentillesse qu’elle y avait trouvée lors de notre première visite, bien avant l’arrivée de Didier en cuisine. Ce Chef, en vrai passionné de produits locaux, se fournit au plus près, uniquement en frais et s’il les traite de manière assez classique, il aime surtout les mettre en valeur dans l’assiette. Didier Moons défend une philosophie de cuisson sans addition de sel ou de poivre auxquels il préfère un usage équilibré d’herbes ou d’épices aromatiques. Pleinement soutenu par le propriétaire Vincent Thomaes, il réalise une cuisine simple mais inventive en matière de jeux de saveurs… ceci pour le plus grand plaisir des gourmets et gourmands. Une adresse à (re)découvrir !
La température est agréable en ce début de soirée au cœur des Marolles (quartier populaire et typique, où vous trouverez même encore quelques rares brusseleïrs causant le Bourgontje – très vieux dialecte bruxellois issu du quartier). Nous nous installons en terrasse et Marianne semble ravie d’être là. Elle a gardé un excellent souvenir de la convivialité de Vincent et aussi de son os à moelle, toujours à la carte. Pour ma part, si je partageais déjà l’enthousiasme de ma convive pour la tchatche charmeuse du patron Vincent Thomaes comme pour les incroyables connaissances de Xavier en vins, je l’avais moins été concernant les qualités de la table. Mais, j’ai appris qu’un nouveau chef s’est installé aux fourneaux et je veux donc en savoir plus… Je ne vais pas être déçu. Ah oui, deux bons points encore : une gamelle d’eau a été immédiatement offerte à un chien arrivant à la table voisine et puis une jeune recrue vient de rejoindre la maison, avec pour prénom Lemmy. Service impeccable, regard pétillant derrière le masque, sourire et petites attention à chaque instant. En voilà un qu’il faut garder à tout prix car il participe à la qualité de la soirée.
On démarre avec des sardines millésimées et des escargots de chez nous.
Pour Marianne qui adore ça (surtout avec beaucoup d’huile d’olive), ce seront des sardines en entrée. Attention, pas n’importe quelles sardines ! Elles sont millésimées et frappées du sceau de l’année 2010. Ces petits poissons reposent donc depuis 10 ans, attendant l’amateur ou l’amatrice qui les dégustera avec plaisir et reconnaissance. Et j’en devine dans les yeux de mon amie d’enfance ! Affichées au prix de 12 €, elles sont servies avec simplicité et élégance à la fois, sur une fine tranche de pain maison grillée et relevées de lamelles d’oignon rouge. La douceur de celui-ci, alliée à celle des languettes de poivrons rouges et jaunes sublime le goût du poisson. Quelques micro-pousses végétales (que le Chef adore utiliser pour un « autre » assaisonnement de ses plats) apportent la petite touche piquante qui rend l’ensemble riche et très savoureux. Au grand dam de Marianne, l’assiette ne déborde pas de l’huile d’olive qu’elle cherche désespérément, jusqu’au moment où elle croque une bouchée du pain grillé… c’est là qu’elle se cache ! Le pain l’a entièrement absorbée, sans pour autant perdre de son croquant, phénomène que je ne m’explique toujours pas et qui équilibre la recette à la perfection. J’ai goûté une sardine avec sa garniture et c’était délicieux ! Je n’avais jamais essayé ces petites bêtes millésimées, mais je sais maintenant pourquoi les amateurs en raffolent. C’est très moelleux et fondant. Quant à la saveur, elle est ample et profonde.
De mon côté, je me délecte par avance de l’entrée qui m’a instantanément fait de l’œil : des Escargots belges, beurre aux herbes et croquant de ventrêche (21 €) ! En amoureux des mélanges de produits, je ne pouvais rater cela et j’attends un peu le Chef au tournant, je l’avoue. Eh bien, hormis un petit raté sur une sorte de mini kouign amann breton, très feuilleté mais trop ferme, je me régale. Ceci étant dit, je ne suis pas certain qu’il apporte vraiment un plus à cette belle recette. Un autre croustillant, peut-être plus simple, suffirait. Primo, la cuisson des escargots est impeccable et secundo leur saveur est subtilement soutenue par un très juste assaisonnement du beurre aux herbes. La texture de ce dernier se rapproche de celle d’une béarnaise, ce qui en fait une véritable sauce, très soyeuse et qui enrobe généreusement chaque gastéropode de notre terroir. Les fines tranches de ventrêche (lard) de porc, séchées au four, sont croustillantes à souhait et quelques jeunes pousses végétales parachèvent l’harmonie des saveurs, des parfums et des textures de cette superbe entrée. Bravo Didier !
Entre onglet et carré d’agneau, nous optons pour les viandes.
En plat principal, Marianne choisit un bel Onglet irlandais à l’échalote confite et au beurre au romarin (25 €). Comme les entrées, il semble que les plats soient très généreux et colorés. C’est toujours une cuisine simple, mais on sent une recherche savante de mariage des saveurs et d’assaisonnement végétal. Cette démarche me plaît, dans une maison qui ne la joue pas gastronomique et qui s’appuie avant tout sur des produits de grande qualité, ainsi que des goûts riches, assumés et valorisés. La belle viande irlandais est cuite à la perfection. C’est bleu, chaud et tendre… une rare qualité de cuisson, même dans des maisons réputées. Le bœuf est savoureux et encore servi avec générosité. On l’enrobe facilement et agréablement du beau beurre au romarin, équilibré et subtil. L’échalote est fondante et confite, apportant une très légère sucrosité qui se marie fort bien à l’onglet beurré. Les pommes de terre rissolées entières sont tendres et fermes à la fois et un petit bouquet de micro pousses permet d’assaisonner à volonté chaque bouchée au choix, en apportant un piquant typiquement végétal… c’est délicieux. L’ensemble matche à la perfection et c’est un plat copieux, idéal pour les bons appétits.
Pour ma part, j’avais vu passer vers un autre table un très beau Carré d’Agneau au romarin, carottes fanes, beignet de pomme de terre (33 €) et je n’ai pas hésité à le commander, pour mon plus grand plaisir. Une fois encore, on peut dire que voilà une assiette destinée aux bons appétits, mais je ne suis plus surpris car ici la cuisine est définitivement généreuse et l’assiette aussi. Mon carré se compose de quatre belles côtés et la viande est suffisamment goûteuse pour un amoureux de l’agneau dans mon genre, sans l’être trop pour ceux qui craignent sa saveur parfois corsée. J’ai retrouvé à chaque bouchée ce que j’attends d’un bon agneau, à savoir de la puissance, mais qui ne vient pas supplanter le reste de l’assiette. La cuisson est rosée comme je l’ai demandée et l’extérieur est bien coloré. Le jus corsé au romarin me plaît énormément… Il est costaud, soyeux, crémeux et pas trop salé et il retrouve la viande avec un bonheur manifeste, pour mes papilles en tout cas. Les carottes fanes sont cuites comme je les aime, fondantes et encore fermes en même temps, ce qui laisse de la mâche et ne donne pas l’impression de manger un petit pot pour bébé. Leur goût est doux et le choix du producteur est à nouveau gagnant. Deux petites tomates grillées et quelques jeunes pousses apportent une touche d’acidité bienvenue et je suis également épaté par les pommes de terre… La carte annonçait un beignet (qui pour moi est passé par la friteuse), mais je me suis plutôt régalé d’une sorte (à mes yeux et papilles) de véritable fondant de pomme de terre. Cela semble composé de très (très) fines tranches compressées, légèrement liées et on dirait que ça a été cuit à la poêle jusqu’à obtention d’une jolie couleur dorée. Cela donne un très léger croustillant en surface et une texture intérieure qui fond littéralement sur la langue… Encore une réussite ! Voilà un carré d’agneau qui me restera longtemps en mémoire.
Des mirabelles et un étonnant sorbet, pour une belle tarte et un mille-feuille d’une exquise douceur…
Pour clôturer cet excellent diner tout en douceur, Marianne choisit une Tarte à la mirabelle (c’est la pleine saison et elle ne dure pas longtemps) à 9 €, qui ne sera pas servie seule… Avant d’y venir, je tiens à dire que la pâte sablée est superbe et la crème sous les fruits, douce et fort agréablement veloutée. Les mirabelles sont légèrement caramélisés et à la limite du compoté, mais elles gardent la part d’acidité qu’on apprécie justement chez elles. Cela donne encore une fois une tarte généreuse et gourmande. À côté du beau morceau présenté, se trouve une petite boule verte à l’aspect granité… C’est un délicieux sorbet à la menthe orangée. Ce n’est pas une menthe mélangée à de l’orange, mais une menthe aux feuilles qui ont un goût très proche de celui du populaire agrume. On l’utilise beaucoup dans la préparation d’infusions, mais je l’ai rarement retrouvée en dessert et j’avoue que j’en demanderait bien une coupe, tant c’est délicieux et rafraîchissant. Ce beau sorbet se marie parfaitement à la tarte assez sucrée, lui apportant l’acidité qui équilibre le tout. Encore un bon point…
Moi, j’ai choisi un dessert croyant (j’ignore pourquoi) y retrouver quelque saveur de mes années à Marrakech. J’ai en effet jeté mon dévolu sur un attirant Mille-feuille à la confiture de lait et ganache au chocolat noir (10 €), pensant trouver dans mon assiette une cousine éloignée de la pastilla… C’est raté pour le coup, mais je ne regrette pas mon « erreur ». Ce joli dessert se présente sous la forme d’un élégant chou à la texture de mille-feuille fourré d’une très douce ganache et de crème de lait. Une fine feuille de chocolat blanc habille le chou sur le côté et vient fondre joliment pour l’enrober d’une soie blanche. Du chocolat noir fondu a été joliment répandu en petites touches sur l’assiette. C’est intelligent et très doux, sans pour autant être extrêmement sucré. Comme le reste du repas, les saveurs sont équilibrées et ce dessert clôture parfaitement un dîner qui m’aura étonné de bout en bout…
J’ai omis de préciser qu’en apéritif, nous avons dégusté une coupe d’un très bon champagne naturel à 11 € et que nous avons choisi d’accorder nos mets aux vins conseillés par Xavier dont les connaissances œnologiques n’ont pas de frontières. Les prix se situent entre 5 et 8 € le verre. Tout au long de la soirée, nous avons été servis avec beaucoup de gentillesse par toute l’équipe et nous sommes sentis particulièrement choyés par l’attention que porte Lemmy à chacune des tables dont il est chargé. Entre un patron toujours très souriant et convivial, un Chef talentueux et impliqué, ainsi qu’une équipe de salle aux petits soins, le Wine Bar des Marolles est un incontournable de ce quartier redevenu très agréable à fréquenter le soir. Je formule ici le vœu que Didier Moons décide de rester très longtemps au sein de ce qui nous a semblé être une vraie petite famille car, outre une équipe passionnée, un Chef de talent reste un atout majeur pour n’importe quel restaurateur. Finalement, on a envie de donner un petit coup de baguette magique à ce bel endroit, pour que toute son équipe ne change pas avant…que Lemmy ait des cheveux blancs !
Site officiel : www.winebarsablon.be
Réservations : +32 (0)2 503 62 50