Le Passage : Covid19 ou pas… le Chef Rocky est en grande forme, comme toujours !

Le Passage est une adresse qui porte de mieux en mieux son nom, puisque c’est aujourd’hui une enseigne qui affiche la Mention « Père & Fils ». Rocky Renaud, talentueux Chef qui n’a plus rien à prouver depuis des lustres, travaille donc en tandem avec Kevin qui s’occupe avec maestria de la salle et la terrasse, comme le chantait si bien le Grand Charles (Aznavour). Il dirige son équipe de main de maître, tout en soutenant chacun de ses membre avec attention et respect. Je tiens à souligner l’excellence des conseils de Jérémy, qui accorde mets et vins et surtout raconte ceux-ci avec passion. C’est un véritable poète des nectars ! Yvan de son côté, virevolte partout avec discrétion et efficacité. Un Chef de grand talent, un directeur de salle attentionné et une équipe où chacun fait son job avec passion… C’est cela qui permet qu’on passe dans une maison un moment d’exception. Au passage, c’est à chaque fois du très haut vol et voilà assurément ce qui assure à cette sublime table une clientèle fidèle, régulière et surtout de connaisseurs… Je vous emmène donc sur sa superbe terrasse pour un dîner sous les étoiles, que même les orages n’ont pas osé interrompre, passant juste à côté de nous. Nadine, qui m’accompagne ce soir, a découvert le Passage et y… repassera, c’est certain.

Il fait vraiment très chaud et le thermomètre affiche encore plus de trente degrés lorsque nous arrivons en train à la gare Saint-Job (Uccle). En fait, depuis le beau quartier de Montgomery, nous prenons le tram jusqu’à la gare d’Etterbeek et y attrapons le train. Moins de dix minutes plus tard, nous avons évité un trajet de près de quarante-cinq minutes en voiture, dans une circulation toujours bouchée sur le Boulevard Général Jacques et la chaussée de Waterloo. C’est une vraie découverte et cela prouve que le train peut être parfois la très bonne affaire pour se déplacer en ville… La magnifique et grande terrasse nous attend et Kevin nous accueille tout sourire. Ses yeux pétillent derrière le masque…

Je parle rarement de la mise en bouche lors de mes visites dans les restaurants où je vous emmène, mais celle qu’on nous a présentée ici m’a vraiment surpris par son originalité et aussi son côté régressif : une petite madeleine au pesto et poudre de tomate… Non seulement la présentation est superbe, mais c’est une explosion de goûts ! Fort joliment présentées sur un lit de petits haricots blancs et autres grains, je retrouve dès la première bouchée les saveurs de la madeleine de mon enfance… Mais, dans l’instant, mes papilles accueillent avec ravissement le parfum du pesto et de la tomate séchée. Pour ma part, j’ai trouvé que cela accompagnait à merveille la coupe de champagne que j’avais prise en apéritif. Une madeleine subtile, comme toujours dans la cuisine du Chef Rocky Renaud, qui allie classicisme et innovation. Voilà qui promet une soirée en symphonie gustative !

Le crabe prend un bain de… jouissance !

Je me répète certes, mais Rocky Renaud est un Chef qui maitrise et invente à la fois. À nouveau, j’ai été cueilli par une incroyable Soupe froide de Tourteau, fèves des marais, mozzarella di buffala. Si vous aviez pu sentir ces effluves… un rêve pour les narines. S’il n’est pas rare qu’un potage chaud apporte son lot de divines senteurs… quand il est froid, c’est une véritable prouesse ! Et là, j’aime autant vous dire que mes papilles sont à la fête au même titre que mon nez. Les saveurs sont équilibrées à la perfection et j’ai l’impression de croquer dans la chair d’un tourteau tout juste sorti de la mer. La mozzarella de bufflonne est d’une grande douceur, elle apporte son soyeux au goût puissant du crabe et un gressin maison subtilement parfumé à la tomate permet d’apporter du croquant à cette recette surprenante. Je pense que c’est la première fois que je goûte un potage de crabe froid et j’en suis encore tout baba. Le gressin est croustillant à souhait et son parfum tomaté se marie avec le potage en une vraie valse des gouts… En bref, c’est la fête au palais !

Quand un(e) demoiselle se met en tenue d’été…

Gna, gna, gna… je vous entends jusqu’ici, mais je ne me répèterai pas concernant le Chef. Pourtant, je suis encore totalement ébahi par ce qu’il nous propose : une superbe salade de Homard Demoiselle qui est entièrement décortiqué, Gaspacho de betterave, fruits rouges frais et pastèques. Lorsque Kevin nous présente l’assiette, je me demande même durant une seconde s’il n’y a pas eu confusion et s’il ne nous aurait pas amené le dessert… Mais, non. C’est beau, coloré et ça respire la fraîcheur. Je peux vous dire qu’en cette soirée encore caniculaire, la moindre petite note rafraîchissante fait chanter notre dîner et le transforme en opéra ! La partie gastronome de mon cerveau se met en route au quart de tour et il me souffle à l’oreille que ça va déménager. Il ne se trompe d’ailleurs pas. Le homard Demoiselle (de petite taille, comme son nom l’indique) est particulièrement goûteux et décortiqué à la perfection. La chair est délicatement émiettée, une pince et toute la queue ont été décoquillées sans le moindre accroc, pour être posées sous une très légère tuile dentelle à l’encre de seiche. Celle-ci apporte du croustillant, comme les quelques graines que je n’ai pas réussi à identifier et le tout est souligné par l’iode et la sucrosité des algues wakame. Tout ce petit monde vient mettre en valeur une chair de crabe ultra savoureuse et dont l’assaisonnement est en réel équilibre sur un fil de talent. Grâce à la saison, les fruits sont gorgés de soleil : mûre, myrtille, fraise, framboise, dés de betterave rouge… les acidités sont une vraie parure pour ce bijou de homard. Elles s’allient en une combinaison subtile et élégante, tandis que le gaspacho de betterave qui couronne le tout allie terre et grande fraîcheur en bouche. C’est un mariage digne de celui de Mademoiselle Beulemans, joyeux, extrêmement savoureux et pétillant. Rarement Demoiselle aura été si bien apprêtée !

Les petits poissons tiennent à l’œil le gros… sur le fil du couteau.

Servi dans de très belles assiette « lave du Vésuve », voici venu un Dos de Turbot poché et coques de nos côtes, beurre blanc au cidre et éperlans frits. Si ces minuscules poissons sont des cousins éloignés du saumon (mais si, mais si…), j’ai l’impression qu’ils se prennent pour bien plus gros qu’ils ne le sont, ne quittant pas le beau morceau de Turbot de l’œil… un peu comme s’ils craignaient de le voir s’échapper. Le dressage de cette superbe assiette est étonnant, tout en volume et en couleurs, tandis que celle de l’assiette apporte une grande modernité visuelle à ce plat, tout comme la poudre d’olive noire qui vient ajouter une légère touche foncée au milieu de tout cet éclat ! Il faut noter ici que toute la vaisselle du Passage est magnifique et superbement choisie. Chaque pièce se marie avec le plat qu’elle sublime, c’est très beau. Les coques sont justement cuites et le beurre blanc au cidre est velouté, soyeux et pas trop doux. Tout est délicat et les petits légumes entourent avec bonheur une pièce de dos de Turbot cuite exactement comme il faut. Chaque pétale de chair qui se détache, je le déguste avec un petit légume, un peu de sauce et une coque… l’ensemble est en totale harmonie et j’y retrouve à nouveau la patte de Rocky. C’est très moderne et je sens qu’aux fourneaux, le Chef laisse éclater toute sa créativité et sa longue expérience. Une réussite, encore…

Quand les ravioles se voilent de truffe.

Je sais que le Rocky Renaud apprécie les belles volailles. Il a décidé ici d’en mettre une sous pâte, pour nous proposer de belles Ravioles de Poularde, artichauts et girolles, bouillon à la verveine citronnelle et truffe. Je n’ai pas posé la question à Kevin, mais je pense qu’il s’agit de truffe de Meuse, qui n’a rien à envier à ses voisines du Périgord. Du fait d’une terre calcaire et argileuse, elle a une saveur un peu moins corsée, mais un parfum envoûtant. On y retrouve néanmoins ce qu’on aime dans la truffe : un arôme puissant, qui reste en bouche tout le temps qu’on déguste le plat dans lequel elle vient mettre son nez (si j’ose dire). J’ai une jolie mâche de la poularde qui garnit généreusement une pâte à raviole fraîche, fine, emprisonnant jalousement les saveurs de la volaille. Le bouillon, très léger, me fait redécouvrir une saveur que je n’avais plus croisée depuis longtemps : la verveine citronnelle (on l’appelle aussi verveine odorante ou encore du Pérou). Ses feuilles sont très parfumées et on s’en sert beaucoup pour préparer des infusions et liqueurs. En cuisine peu de Chefs la travaillent, mais elle apporte une valeur ajoutée certaine à une sauce, quand elle est bien travaillée et justement dosée. En l’occurrence, c’est délicieux et le bouillon très légèrement écumant s’avère être le parfait compagnon de la poularde et des légumes : mini tomates, girolles, artichauts qu’une juste cuisson rend fondants à souhait. Les pétales de truffe sont généreux et enrobent cette assiette aussi généreuse que savoureuse d’un voile de senteurs forestières. Un pur bonheur…

Entre fromage et dessert… le temps des douceurs.

Le Brie truffé qui suit, recouvert de truffe d’été (qui compte autant d’afficionados que de détracteurs, ne se consomme que crue et ne supporte pas la cuisson) est à tomber… Personnellement j’aime cette truffe avec un fromage car elle est moins forte en arôme que sa chère cousine, la melanosporum. On l’appelle également Tuber Aestivum ou bien Truffe Blanche. Elle permet de profiter de toutes les saveurs d’un bon fromage…

En dessert, le Chef a misé sur la fraîcheur en cette soirée (très) chaude et c’est la jouissive clôture d’un dîner exceptionnel, au cours duquel Nadine et moi nous sommes laissés entraîner par Rocky Renaud au cœur de sa cuisine, toujours d’aussi haut-vol et emplie de liberté ! Voilà pourquoi il n’y a pour une fois pas de prix à côté des intitulés… Il s’agit d’une Sphère glacée au yuzu, cœur meringué, coque en chocolat blanc, coulis de fruits rouges et agrumes. Le petit citron japonais est connu pour être très acidulé, mais justement dosé il apporte un incroyable coup de peps. Que dire de ce point final, si ce n’est que voilà un beau et frais dessert, tout en douceur sans être trop sucré, malgré le chocolat blanc ?

Comme à chaque visite au Passage, je n’ai qu’une envie : y passer des heures à discuter avec le Chef Rocky Renaud, de cuisine, de passion, de ceci et de cela, mais toujours avec sincérité. Avant d’être un Chef de grand talent, il est un homme et je dirais même un sacré bonhomme ! Tout chez lui vibre et il semble qu’il vous transmette avec chaque mot une émotion. Ce Chef-là n’est pas fait de chair et de sang, mais bien de cœur et de chaleur. Je ne pourrais le décrire mieux. Je ne vais pas revenir sur son talent face aux fourneaux, il n’a plus rien à prouver. Par contre, je vous souhaite de tout cœur que le jour où vous irez déjeuner ou dîner chez lui et son fils, vous aurez la chance de parler avec le Chef… L’étoile du Passage, c’est lui et avec Kevin il forme un tandem brillant.

Site officiel : www.lepassage.be
Réservations : par le site ou au +32 (0)2 374 66 94

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