Au cœur du célèbre quartier populaire le plus représentatif de la convivialité et de l’esprit bruxellois, se trouve un chaleureux petit restaurant que j’ai déjà eu le plaisir de vous présenter : le Wine Bar des Marolles ! Bois, lumières douces, un bar riche et beau, un accueil amical et impeccable à la fois… une cuisine souvent renouvelée, voilà pourquoi cela vaut la peine de vous en reparler de temps en temps. D’ailleurs, un nouveau Chef s’est installé aux fourneaux et vaut le détour : Alexandre van Kalck n’est pas un novice, puisqu’il a travaillé une douzaine d’années comme second au restaurant de l’hôtel Plaza à Bruxelles. Mais, c’est surtout pour son talent, son instinct créatif et le parfait équilibre de sa cuisine qui privilégie produits de qualité et locaux de préférence, que nous voulions saluer son arrivée. Le Maître des Lieux Vincent Thomaes est toujours aussi connaisseur en vins et vous conseillera avec délectation les nectars qui accompagneront au mieux vos plats. C’est aussi grand amateur d’Art, antiquaire et Chef… Bref, vous ressentirez sa passion et son sourire illuminera votre déjeuner ou votre dîner. Troisième de la fratrie doublement étoilée du Château du Mylord à Ellezelles (où il a œuvré durant de longues années), il préside avec bonheur aux destinées de sa belle maison du 17ème siècle nichée au creux de la populaire et vivante rue Haute, aux côtés de son complice et associé Joël, arborant lui aussi le sourire en bandoulière. La carte est régulièrement renouvelée, ce qui offre à chaque visite les joies de quelques savoureuses découvertes. Mais, passons à table !
Comme toujours, c’est avec un grand sourire que Vincent nous accueille. Je suis accompagné de Marianne qui adore cet endroit et se souvient encore de l’os à moelle qu’elle y a dégusté voici deux ans… Quelques bulles pour l’apéritif et nous nous plongeons avec intérêt dans la carte, sachant qu’un nouveau chef d’orchestre est au piano en cuisine.
Pour les entrées, un petite balade en mer…
En entrée, Marianne choisit un Baby Homard, guakiwi, salty fingers, bourrache et bisque montée à l’huile d’olive (25 €), tandis que je jette mon dévolu sur une de mes passions : des Maatjes… citron brûlé et vinaigrette au yuzu kosho (17 €).
Le poisson est moelleux à souhait, comme on aime déguster les maatjes dont nous belges sommes les plus grands amateurs aux côtés de nos voisins néerlandais. Il est d’une fraîcheur absolue et ça se voit au premier coup d’œil. Ces harengs-là n’ont pas vécu un instant sous cellophane, c’est une évidence ! L’assiette est lumineuse et colorée, elle me donne envie d’y plonger la fourchette sans attendre. Manifestement le Chef tient à rendre ses assiettes gourmandes dès leur arrivée sur la table et c’est réussi. Les couleurs titillent l’œil et de petits tronçons de haricot verts encore légèrement croquants égaient un produit qui n’est pas souvent sexy. La touche de rouge est apportée par une agréable vinaigrette joyeusement pepsée au Yuzu Kosho. Cet assaisonnement typiquement japonais est composée de pâte de piment, d’écorce de yuzu (citron d’Asie de l’est) et de sel, le tout fermenté. J’avoue être surpris par ce mariage aussi inattendu qu’improbable et ça marche ! Au Japon, j’avais découvert ce condiment en accompagnement de sashimis, mais je ne m’attendais pas à ce qu’il épouse harmonieusement la chair du hareng. Une vraie réussite à laquelle le citron brûlé apporte une légère touche d’amertume qui vient titiller les papilles et donner aux saveurs de cette entrée une belle ampleur. Voilà ce que j’appellerais des maatjes anoblis et parfaitement réussis. C’est simple et sophistiqué à la fois, fidèle à la maison !
Bien entendu, je n’ai pu m’empêcher de plonger une cuiller gourmande dans l’entrée de Marianne et si le Baby Homard est pour mon palais un des plus savoureux souvenirs de Montréal et de la cuisine québécoise (je pense aux pâtes au homard de mon amie Lynda Brault, que je lui mendie à chaque visite), celui-ci me surprend. Hormis une chair savoureuse et parfaitement cuite (pas trop… tant pour la pince que pour la queue, ce qui n’est pas toujours gagné), la bisque grimpe évidemment en tête sur la grande échelle des papilles. Elle est délicieusement corsée et généreuse veloutée, on sent qu’elle a tranquillement et longuement mijoté. Son parfum a attiré l’attention des convives de la table voisine, c’est vous dire le fumet ! On m’avait déjà parlé d’un mélange avocat et kiwi baptisé « guakiwi », mais je n’en avais encore jamais goûté. J’avoue être parfois méfiant concernant les mélanges du genre mais, manifestement monté à l’huile d’olive avec une pointe de citron et subtilement poivré, je valide totalement ce guacamole revisité. Cela amène une touche de doux-acide qui vient souligner la saveur du crustacé, toute comme la petite fleur de bourrache apporte une légère touche d’iode. Les petites branches de salty fingers (plante d’Asie ou d’Amérique du sud ressemblant visuellement à la salicorne) sont croquantes, légèrement amères et salent un peu l’ensemble quand on goûte le tout en une bouchée, bref… cette entrée et à nouveau la découverte d’une nouvelle signature en cuisine, à la fois classique dans la réalisation et créative au niveau de la composition.
En plat : un peu de mer encore… et de terre.
Pour suivre, j’opte pour un poisson que j’adore : le Filet de Bar… sauce safranée aux moules, fenouil confit et broccolinis (27 €). Marianne porte son choix sur un bel Onglet de bœuf irlandais à l’échalote, oignon brûlé, salicorne et bordelaise à la sauce soja sucrée à (25 €).
La cuisson du poisson est pile comme je l’aime : croustillante côté peau et translucide à cœur, bien nacrée. Je suis ravi car le bar mérite d’être bien traité et il arrive qu’on vous le serve en légère (voire bien plus) surcuisson, ce qui le rend très désagréable à manger. La saveur subtile du safran, avec ses légères touches de terre et sa légère amertume est un agréable exhausteur du goût de la belle sauce, douce au palais et onctueuse, dont le léger gras vient enrober le palais comme une caresse. L’arôme des moules s’y mélange avec puissance et le fenouil confit débité en copeaux apporte un fin goût anisé qui allège l’ensemble. C’est rafraîchissant et intelligent. Pour ma part, je suis fan des broccolonis, que tout le monde de connaît pas. Contrairement à ce qu’on pourrait penser, ce ne sont pas des jeunes brocolis. Il s’agit bien d’un autre légume. Ses branches sont plus longues et plus fines que celles de son cousin et c’est un croisement entre le brocoli originaire de Sicile et le kai-lan, son équivalent chinois. Étonnamment, il développe une saveur très proche de celle de l’asperge, en plus de ressembler tout de même au brocoli original. L’ensemble forme un plat tout en harmonie et en légèreté, où je commence à trouver réellement la « patte » du Chef qui officie désormais au Wine Bar des Marolles. J’ai d’ailleurs très envie de le rencontrer pour le féliciter.
On pense souvent que l’onglet est une viande filandreuse et une partie fort peu noble du bœuf. Quelle erreur ! C’est au contraire un morceau très goûteux, agréable en bouche et si sa mâche est en effet puissante sous la dent, un bon cuisinier ne vous la présentera jamais dure. La cuisson est parfaite, encore saignante comme Marianne l’avait demandée, ce qui me convient à la perfection car c’est ainsi que je l’aime. Ici, il est d’origine irlandaise et ce ne sont pas les derniers à produire du bœuf de qualité. La sauce à l’échalote est un jus puissant, une bordelaise à laquelle on a sans doute ajouté de la moelle à la cuisson, qui apporte une rondeur et un glacé superbes ! L’échalote donne à la sauce une touche de douceur à laquelle s’ajoute la suavité du soja sucré. L’oignon brûlé confère au plat un côté rustique et charpenté… on se croirait plongé au dans les paysages d’Écosse, au bord d’une falaise surplombant la mer et fouetté par le vent. Il se passe quelque chose dans cette assiette, c’est évident et je ne me souviens pas d’un onglet qui m’ait donné cette sensation. La petite touche de folie et ce que je ressentais plus haut comme un vent marin vient clairement de la salicorne. Ce légume marin sauvage fait partie de mes préférés et en une bouchée, il amène une double identité terre-mère à la recette. C’est confirmé… il y a un vrai Chef en cuisine et j’ai hâte de revenir pour découvrir les déclinaisons de son talent au fil des saisons.
Caractère et douceur pour finir.
Pris d’une réelle envie de fromages, je décide de goûter à la sélection maison de fromages affinés (12 €). Le Wine Bar des Marolles collabore depuis peu avec la maison From, chaussée de Charleroi à Bruxelles et je me suis régalé. Elle change régulièrement.
Enfin, nous avons goûté à un dessert rafraichissant et qui ne nous a pas pesé sur l’estomac malgré son intitulé : Tiramisu, cerises et réduction à la bière Cantillon (12 €). Pour avoir eu l’honneur d’être membre du Jury lors du passage de la Coupe du Monde de Tiramisu à Bruxelles il y a deux ans, je dois avouer avoir été malgré tout surpris par la proposition du Chef qui a modernisé ce dessert traditionnel italien si apprécié, lui apportant une petite touche bruxelloise. Brassées à Bruxelles de manière artisanale, les bières Cantillon sont des monuments de notre patrimoine brassicole et la réduction qui trône en fond de verre est puissante, mais subtile. Le mariage avec les cerises, que les marchands transportaient autrefois à dos d’âne, évoquent finalement un pan d’histoire de la capitale de l’Europe. Le mélange des saveurs est harmonieux et ne pèse pas… une agréable de façon de clôturer un excellent dîner.
Le Wine Bar des Marolles sait se renouveler constamment, pour ne jamais raconter les mêmes anecdotes tout en conservant son histoire et surtout son identité. Ici, la convivialité est reine, les clients se saluent, les sourires de Vincent et Joël, leurs conseils, les lumières chaudes et le quartier… tout concourt à un superbe repas et un service impeccable. Aux fourneaux, Alexandre van Kalck a su apporter une modernité et un petit grain de folie qui rehaussent la table et la mettent au niveau de la gentillesse qu’on retrouve en salle. Que ce soit en amoureux, en famille ou entre amis, l’endroit vous permettra de passer un très joli moment et d’y savourer une cuisine inventive, assise sur de solides bases qui permettent au Chef des libertés jouissives. Vous y déguster un large choix de superbes vins, proposés par un très grand spécialiste qui saura vous conseiller ceux qui accompagneront et rehausseront au mieux les plats que vous choisirez. Je vous conseille sincèrement de réserver… Bonne découverte !
www.winebarsablon.be
Du jeudi au dimanche (19-23h) et le midi les samedis et dimanches.
Ouvert du jeudi au dimanche de 11 à 19h.
Réservations : +32 (0)496 82 01 05